C’est avec une immense tristesse que nous avons appris, le 29 septembre dernier, la disparition à l’âge de 41 ans de notre collègue et amie Alexandra Lazarescou.

Alexandra avait rejoint le comité roumain de la Maison Antoine Vitez en 2010 et en assurait la coordination depuis 2017 ; durant des années, elle s’y est engagée avec toute la passion, toute la détermination qu’on lui connaissait. Elle avait choisi de défendre, au sein de notre association, de jeunes autrices roumaines et moldaves, presque toutes inconnues alors, et nous lui devons d’avoir contribué à faire connaître en France Nicoleta Esinencu, Mihaela Michailov, Elise Wilk, Alexa Băcanu, Elena Vladareanu… Sur son site personnel elle explique sa démarche par ces mots : « [Leurs] œuvres dissèquent l’Histoire au scalpel, pour montrer au grand jour ce qui a été récupéré, oublié, caché, déformé, dont la radicalité de la forme épouse la force du propos. »

Elle tenait à traduire un théâtre poélitique, féministe, dont le verbe, les motifs abordés – la dictature, l’Holocauste, l’identité sexuelle, l’esclavage moderne, le nationalisme, le racisme, la discrimination… – la happaient et dont la traduction en français lui semblait des plus urgente et nécessaire, pour reprendre ses propres termes.

Urgentes et nécessaires, ses traductions l’étaient. Nombre de metteurs et metteuses en scène ne s’y sont pas trompé, comme Matthieu Roy (qui lui a commandé la traduction de Ce silence entre nous, de Mihaela Michailov), Hélène Soulié, Michel Didym, Clotilde Moynot ou encore Lisa Wurmser. Elles ont été lues, mises en espaces ou jouées à Théâtre Ouvert, au théâtre du Rond-Point, au théâtre national de Toulouse, à la Faïencerie, à la Commune, à la Rose des Vents, à la Mousson d’été, à l’ENSATT. On les trouvera sur le site de la Maison Antoine Vitez, mais aussi chez des éditeurs tels que l’Arche, Actes Sud-Papiers, Les Solitaires Intempestifs, l’Avant-scène théâtre.

L’ENSATT, elle en avait été élève, au département d’écriture dramatique, de 2006 à 2009. Elle en a gardé le goût pour l’écriture dramatique : on lui doit plusieurs pièces : Bec Kosmos, Le Club Rosa (Fausse conférence), Lumière Noire, ainsi que le scénario d’une fiction radiophonique multilingue, Les Voisins du 12 bis, diffusée sur RFI à partir de 2020.

Des talents, elle en avait plusieurs, tous tournés vers le théâtre contemporain. Elle a tour à tour été critique, pour la presse et la radio, collaboratrice à la programmation et la communication de diverses structures culturelles ou encore dramaturge auprès de Christian Schiaretti et de Ludovic Lagarde.

Alexandra avait aussi enseigné les lettres modernes au sein de l’académie de Versailles, entre 2016 et 2021.

Ce que nous retenons d’elle, au plan personnel et humain, c’est son sourire, son rire si communicatif, son enthousiasme à toute épreuve, sa détermination, son goût du partage et de la transmission. Rien ne la réjouissait davantage que d’animer des ateliers d’écriture en milieu scolaire. Son engagement envers les autrices qu’elle traduisait était total.

Elle nous manquera. Que la terre lui soit légère.

Laurent Muhleisen et l’équipe de la MAV.